Le phénomène d'anthropochorie et son impact sur les habitats des parois rocheuses
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.A.-Propagation d’espèces non désirées.
La surfréquentation d’une paroi, l’utilisation de la technique de la moulinette, un peignage excessif, peuvent être les causes principales de perturbations importantes voire de la disparition complète des espèces végétales caractéristiques de ces milieux exceptionnels.
Depuis 1997 nous observons l’évolution du cortège végétal des principaux sites de la vallée de la Meuse et notre attention a été attirée par la présence dans certaines parois, d’espèces inhabituelles propagées depuis le pied des rochers. Espèces barochores (1) ou myrmécochore (2) leurs présences ne peut s’expliquer que par l’activité humaine.
S’installant au départ sur des terrains perturbés par une fréquentation excessive, elles peuvent être indicatrices de cette perturbation.
B-Définitions
L’épizoochorie ou ectozoochorie concerne le transport externe des semences par les animaux.
Lorsque ce transport est effectué par l’être humain on utilise le terme d’anthropochorie.
(1) Espèces barochores : Plantes dont la dispersion des graines se fait par gravité.
(2) Espèces myrméchores : La myrmécochorie est le fait pour une plante de favoriser le transport de ses graines par les fourmis. Il s’agit d’un type particulier de zoochorie qui concerne grosso-modo 274 espèces végétales en Europe. Nous citerons en ce qui concerne les rochers, la chélidoine et les espèces du genre Centaurea ainsi que la violette.
C-La vallée de la Meuse
Tout au long de son cours le fleuve coule dans ses alluvions, ce que l'on appelle les «alluvions modernes des vallées».
La vallée qui a été profondément remaniée par l’activité humaine n’est plus régulièrement inondée et ne profite plus que rarement d’apports en alluvion en provenance de la Meuse.
Par ailleurs à certains endroits le talus du chemin de fer isole complètement le site rocheux.
Au pied des rochers nous pouvons actuellement observer, soit des fragments de forêt alluviale à Alnus glutinosa et Fraxinus excelsior ou un sol brun forestier (humus doux) provenant des colluvions de bas de pente avec ; chênaies à charme et hêtraies, ormaies-frênaies (Pruno-Fraxinetum), forêts mêlées, faciès d’embroussaillement.
D.-Processus de dégradation des zones piétinées. (Pieds des rochers)
Depuis 2008 trois sites rocheux ont fait l’objet d’observations régulières concernant le phénomène d’anthropochorie ; il s’agit de Dave, Freyr, Beez. Lors d’un piétinement régulier les caractéristiques du sol vont être considérablement modifiées, la végétation va être très altérée et des espèces banales vont s'y implanter ; le brome stérile (Bromus sterilis), le brome mou (Bromus hordeaceus), l'ivraie vivace (Lolium perenne), le dactyle vulgaire (Dactylis glomerata).
Lorsque le piétinement devient plus intense, nous avons observé une colonisation par des plantes nitrophiles ; l'alliaire (Alliaria petiolata), l’armoise (Artemisia vulgare), la chélidoine (Chelidonium majus) ainsi que des pionnières à souche rampante comme l’ortie brûlante (Urtica dioica).Une fois formées les stations occuperont rapidement des surfaces parfois importantes. Certaines graines véhiculées par les grimpeurs vont être disséminées dans les parois.
E.-Chelidonium majus -La chélidoine- L’herbe aux verrues.
C’est actuellement l’espèce envahissante qui pose le plus de problèmes en ce qui concerne la dégradation des habitats des parois.
Espèce vivace de la famille des papavéracées son aire de répartition englobe quasiment toute l’Europe.
Deux variétés naturelles sont signalées ; Chelidonium majus var majus et la variété tenuifolium.
Caractéristiques phytosociologiques : Alliance de l’Alliarion petiolatae « Oberdorfer »
La plante possède parfois un enracinement profond et résiste à des conditions extrêmes. En s’installant dans les fissures elle entre en concurrence avec la végétation chasmophytique et les espèces protégées.
Plante médicinale elle est toxique, son suc corrosif servait autrefois pour traiter les verrues (attention son emploi n’est pas sans danger).
La dispersion des graines s’effectue naturellement, souvent par les fourmis
Le fruit est une capsule allongée qui contient à maturité de nombreuses graines noires munies d'un élaïosome. Cette excroissance charnue riche en lipides et protéines attire les fourmis du genre « Messor ».
F.-Dissémination des graines de Chelidonium majus par les grimpeurs.
Nous avons testé les capacités d’adhérence des graines au moyen d’une éprouvette constituée d’une feuille de plastique souple posée sur un sol recouvert d’une végétation de type pelouse. Un chausson d’escalade supportant un poids de 72 Kilos a été utilisé pour simuler un bref piétinement. Nous avons constaté une bonne adhérence des graines au chausson.
G.- Processus de colonisation des fissures.
Dans nos parois les surfaces utilisables sont occupées par une végétation chasmophytique (Habitat 8210) et ces espèces participent pour la plupart à l’alliance du Festucion pallentis.
L’écosystème est particulièrement fragile ,la plupart des espèces implantées dans ces habitats ne le sont pas par ce que la plante y trouve le milieu le plus favorable mais par ce que peu résistante à la concurrence elle n’a pas trouvé de meilleur endroit (E.Oberdorfer). Dés la germination le plantule de la Chélidoine va entrer en compétition avec les autres espèces présentes et en les éliminant va finir par occuper la totalité de l’espace colonisable.
La Chélidoine va progressivement éliminer la Colombaire et Festuca pallens
Les effets du phénomène d’anthropochorie peuvent être rapide,les vues suivantes montrent l’importance de la prolifération qui s’est effectuée en quelques années.
Conclusions.
Le phénomène d’anthropochorie lié à l’escalade est suceptible d’affecter rapidement les habitats concernés par le projet Natura 2000 et nécessite dès lors la prise de mesures efficaces afin de les rétablir dans un état de conservation favorable .
Ces mesures sont assez simples et se résument en :
- Une éradication de Chelidonium majus des endroits piétinés situés aux pieds des rochers.
-La vérification de la présence de l’espèce dans les parois et son élimination.
-La surveillance biologique des sites afin de détecter une éventuelle présence d’espèces indésirables.
-Il faut également souligner que le phénomène pourrait peut-être dans certains cas favoriser la dispersion d’espèces protégées.
-Des observations seront prochainement effectuées pour le vérifier.
Guy Bungart (Août 2013)
Bibliographie sommaire
-BUNGART, G.,-L’ourlification et la Gestion des pelouses xériques des sites rocheux calcaires de Wallonie.Juillet 2011
-BUNGART, G., et SAINTENOY-SIMON, J,- Gestion expérimentale Natura 2000 des sites rocheux. Freyr 1997-2007
-Oberdorfer,E.,Suddeutsche Pflanzengesellschaften.
-SAINTENOY-SIMON, J. DUVIGNEAUD, J. et BUNGART, G., 2OOO- Le site de Freyr. Comment concilier escalade et conservation de la Nature. Naturalistes belges, 81/1 : 1-32 + 1 plan